par Nicole Nepton, 1er février 2009
Au début, il y avait Womenspace (1999-2001)
Faire entendre des voix qu'on n'entend pas (1999)
Intermède Désobéissantes (2000-2001)
De Beijing +5 aux Forums sociaux mondiaux (2000...)
Cybersolidaires htmllé à la main (2001-2004)
Des subventions pour rien (2001-2003)
Travailler avec des poules sans tête (2002-2004)
Cybersolidaires sur typepad.com (2004...)
L'ORÉGAND aussi (2003...)
Puis Femmes de la francophonie (2005...)
Stella ou kin toé les abolos (2005...)
techsansviolence.net (2007...)
Une idée en tête depuis 2001
Et un réseau qui se développe
Il faut souvent plus que du soutien technique
De toupie techno à animatrice d'un réseau
Pour en savoir plus
Au début, il y avait Womenspace (1999-2001)
De 1999 à 2001, je développe des contenus en français pour le site de Womenspace : une campagne internet des femmes, un répertoire... Cette association canadienne a été très active pendant plusieurs années dans le domaine de l'exploitation des TIC (technologies de l'information et de la communication) par les groupes de femmes. Womenspace faisait des pressions pour obtenir des politiques TIC qui répondent aux besoins des femmes et organisait des colloques afin que les militantes du Canada coast to coast puissent échanger sur les enjeux femmes et TIC.
En 2001, à l'Assemblée E-galité :
Afin d'avoir un aperçu des développements des politiques et programmes gouvernementaux sur les TIC, des représentantes d'organisations de femmes se rencontraient en mai 2001 dans le cadre de l'Assemblée E-galité organisée par Womenspace. Les participantes ont constaté que la transformation du gouvernement canadien en cybergouvernement se fait sans analyse sensible aux conditions de vie différentes des femmes. Parce que celles-ci sont encore désavantagées de plusieurs façons, il est essentiel qu'on tienne compte de leurs réalités dans des iniatitives majeures telles que le Gouvernement en direct (GED). En utilisant une approche neutre, le GED renforce les désavantages basés sur le sexe, la race, la classe, les handicaps, la langue et la géographie. Il serait beaucoup plus profitable socialement que de telles initiatives travaillent plutôt à compenser les déficits - démocratiques, informationnels et au niveau des services - auxquels les femmes sont confrontées.
En 2001, Cybersolidaires, le CDÉACF, PAR-L et la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises parlaient de développer un réseau virtuel francophone qui s'intéresse aux enjeux femmes et TIC, entre autres. C'est là que j'ai commencé à imaginer développer un réseau de sites plutôt que des sites isolés.
Depuis, on ne voit plus ça des réunions de même et presque plus personne ne critique les politiques TIC du Québec et du Canada du point de vue des femmes. Et des féministes impliquées dans les groupes de femmes qui s'intéressent au développement de l'exploitation des TIC par ceux-ci, il y en a plutôt moins que plus. Par exemple, Womenspace n'existe plus et Studio XX ne développe plus de projets ciblant les groupes de femmes.
Par contre, beaucoup plus d'organismes sont intéressés à développer un site web, mais encore souvent statique. Un site web, c'est un outil de communication et de réseautage, pas seulement un truc qu'on utilise pour expliquer son mandat, ses services, ses activités et afficher quelques publications. Un cadavre du web, ça ne communique pas grand chose et ça ne relie pas grand monde ensemble non plus. Et il y a aussi d'autres outils qu'il serait utile d'explorer. Je dirais que ça va - enfin - décoller avec le rajeunissement des travailleuses des groupes de femmes. Je veux voir ça avant de prendre ma retraite.
Faire entendre des voix qu'on n'entend pas (1999)
FRONT m'avait engagée pour donner un coup de main à l'organisation de leur colloque provincial au cours duquel leur site web devait être lancé. La secrétaire était la seule travailleuse qui naviguait sur internet et qui savait courrieller, alors on lui avait confié la responsabilité de le réaliser, mais ce n'est pas parce qu'on sait courrieller et naviguer qu'on est en mesure de concevoir le site de son organisme. Elle n'en dormait quasiment plus la pauvre. Je suis venue à la rescousse.
Ce site était alors la seule ressource internet utile aux non-trads francophones. Six mois après son lancement, un article du Monde faisait connaître FRONT en Europe. FRONT n'a pas donné suite aux nombreuses propositions qu'il a reçues. Par contre, cette première expérience de conception d'un site web m'a convaincue qu'exploiter internet est un must pour les groupes de femmes et les groupes communautaires, du moins pour ceux qui désirent profiter de nouveaux moyens susceptibles de faire entendre des voix qu'on n'entend pas.
Intermède Désobéissantes (2000-2001)
Un atelier de mobilisation via internet a donné le site des Désobéissantes, qui a enthousiasmé les participantes, qui s'y reconnaissaient. Il résultait de leur expérience de la Marche mondiale des femmes en l'an 2000 et s'inspirait d'un texte d'Hélène Pedneault : Apologie de la colère des femmes. Ce projet incluait aussi un recueil réalisé par Colette Lelièvre de Studio XX : Le cyberespace : un outil de mobilisation au services des militantes.
Sur la page d'accueil :
Stimulées par les réponses très insuffisantes des gouvernements, du Fonds monétaire international, de la Banque mondiale et de l’ONU aux revendications de la Marche mondiale des femmes, alimentées par les participantes de la Montérégie qui, le 14 octobre 2000, ont traversé le pont Jacques-Cartier en dépit du fait qu’elles n’avaient pas réussi à obtenir les permis nécessaires et qui en sont sorties plus fortes, déterminées et solidaires, nourries aussi par d’autres actions qui ont eu lieu un peu partout dans le monde, nous vous proposons de participer à la campagne Internet des Désobéissantes.
La pauvreté et la violence faite aux femmes, faut que ça cesse, ça va faire! Nous allons droites à la hauteur de nos rêves nourries par les désobéissances que vous nous racontez, inspirées par les idées que nous vous invitons à engranger dans une génératrice d’actions et mobilisées par les appels que vous lancez quand le compteur d’énergie de l’une d’entre elles est suffisant pour nous amener à "traverser des ponts"!
Cette campagne internet aurait pu fonctionner si la subvention de Condition féminine Canada obtenue par le Studio XX avait inclus des ressources pour l'animer après sa mise en ligne. Une campagne internet, ça ne vit pas plus tout seul qu'un organisme qui a pignon sur rue. Si on me demande de créer des sites web qui deviendront vite des cadavres d'internet, depuis, je dis non.
De Beijing +5 aux Forums sociaux mondiaux - (2000...)
J'ai réalisé ma première couverture en direct avec WomenAction, un réseau mondial de médias et d'organisations reliés aux TIC et à l'information mis sur pied pour mobiliser et informer sur Beijing +5, et ENAWA, qui regroupait les femmes d'Europe et d'Amérique du Nord membres de WomenAction. Depuis, Cybersolidaires a continué d'en réaliser seul ou avec des militant-es des droits à l'information et à la communication d'un peu partout dans le monde, une idée que Stella et Communautique ont adoptée.
Cybersolidaires htmllé à la main (2001-2004)
La première version de Cybersolidaires diffusait des actualités susceptibles d'intéresser les féministes francophones. Plus c'était court, mieux c'était. Paradoxalement, quand la page d'accueil s'est mise à mesurer autour de quatre ou cinq pieds de long – je ne voulais pas développer le site, pressentant que ça allait prendre beaucoup de place dans ma vie – j'ai admis que ça ne pouvait pas continuer de même, d'autant plus qu'internet était encore à basse vitesse. Par contre, résister de temps en temps, ça aide à se mettre dans les souliers des groupes communautaires.
Des subventions pour rien (2001-2003)
Colette Lelièvre travaillait à plein temps pour aller chercher des $ afin de développer Cybersolidaires et un réseau de sites qui s'alimentent les uns les autres et qui partagent des ressources. Pendant ce temps-là, je développais le site de Cybersolidaires afin que les subventionneurs soient gênés de refuser de nous soutenir.
Ça a fini par marcher. Nous avons obtenu des $ pour réaliser une formation en ligne – La diffusion sans douleur dans internet - Femmes de la francophonie (avec Famafrique et la Fédération nationale des femmes canadiennes-françaises), Femmes au travail (avec un partenaire qu'il est inutile de nommer) et pour réaliser une nouvelle version de Cybersolidaires en utilisant un logiciel libre.
Tout ça en même temps. Après le mal que Colette s'était donné pour obtenir ces subventions, il n'y avait pas moyen de parler de laisser tomber un projet sans que le C.A. de Cybersolidaires parte en peur. Et comme ça a pris deux ans avant de commencer à toucher aux $ promis par l'un des subventionneurs, des partenaires étaient rendus ailleurs. Au final, seul Femmes au travail a pu être complètement réalisé, mais dans des conditions insensées.
La maquette du site que Cybersolidaires serait aujourd'hui. Si j'ai bien compris, ce sera pour une prochaine fois.
Travailler avec des poules sans tête (2002-2004)
Développer son exploitation des TIC en s'impliquant le moins possible et n'importe comment semble sensé pour certaines organisations, alors que ça signifie qu'il faille travailler avec des femmes convaincues qu'activer leur cerveau comme d'habitude n'est pas nécessaire quand il s'agit de mettre sur pied un site de réseautage pour leurs membres. Ça se faisait quasiment tout seul dans ce temps-là. Et le budget d'un projet pouvait être géré indépendamment de sa réalisation, ce que les groupes ne font jamais pour des projets non-internet. L'enfer en quelques étapes faciles quoi.
Si j'avais abandonné la réalisation de Femmes au travail, cet échec aurait été perçu comme m'appartenant à 100% tellement les différentes personnes impliquées n'avaient pas conscience des bâtons qu'elles mettaient elles-mêmes dans les roues du projet, en veux-tu en voilà. C'était toutte de la faute des "technos" à commencer par moi. Alors, j'ai toffé ces deux années, une journée après l'autre et ainsi de suite, ce qui a été long longtemps. Ce site n'est plus en ligne depuis la fin de 2008, ce qui n'est pas une perte puisqu'il n'a jamais été exploité intelligemment non plus.
L'image qui me vient en tête est celle-ci :
parce qu'avec l'installation d'une clôture anti-suicides sur le pont Jacques-Cartier, qui est à deux pas de chez moi, je perdais à peu près la seule option que j'avais de ne pas avoir à endurer de travailler pendant deux ans en dépit de mes poules sans tête.
Depuis, Cybersolidaires n'est plus un OSBL, il n'a plus de C.A., ne va plus chercher de partenaires - ce sont eux qui viennent quand ils sont rendus là - et n'investit plus d'énergies dans la recherche de subventions, alors ça va très bien merci.
Cybersolidaires sur typepad.com (2004...)
Bye le htmllage à la main! Je transfère Cybersolidaires sur Typepad.com, qui n'est pas un logiciel libre, mais c'est pas tout le monde qui peut se permettre de payer des programmeurs non plus en commençant par moi. Et le rapport qualité-prix est très bon.
L'ORÉGAND aussi (2003...)
En Outaouais en 2002, une professeure était en train de mettre sur pied un observatoire sur le développement régional et l'analyse différenciée selon les sexes. Elle avait besoin d'un site web. Au lieu d'avoir un site web, je lui ai vendu l'idée que son observatoire pouvait aussi être un site web. Depuis, j'anime ce site, qui contribue à alimenter le réseau cybersolidaire tout en évitant d'oublier 16 des 17 régions du Québec.
Puis Femmes de la francophonie (2005-2010)
Je viens à bout de mettre en ligne le site des Femmes de la francophonie. Cybersolidaires se concentre sur le Québec, le Canada et les Amériques, l'ORÉGAND sur les régions du Québec, et Femmes de la francophonie, sur ce qui se passe ailleurs dans le monde.
Stella ou kin toé les abolos (2005...)
J'ai commencé à m'intéresser à la question de la prostitution en 2001 et à diffuser les points de vues de travailleuses du sexe quand Sisyphe s'est mis à tonitruer le point de vue semi-aveugle des abolitionnistes dites féministes. C'est ce qui a fait en sorte que Cybersolidaires s'intéresse particulièrement aux communautés tassées dans le coin (putes, itinérant-es, Autochtones, personnes avec des handicaps, Noir-es, transsexuel-les, personnes intersexuées, séropositives, etc).
En 2005, grâce au Forum XXX qui s'en venait (au grand dam de nos abolos du terroir qui ont tenté de le faire avorter comme d'autres féministes tentent d'empêcher des extrémistes anti-avortement de tenir une conférence), Stella a eu des fonds pour développer son site avec Drupal. Depuis, Stella diffuse entre autres des couvertures en direct des événements internationaux auxquels le groupe participe. Ce site reçoit actuellement 700 visites par jour (981 en décembre 2009), kin toé les abolos (qui en recevaient une trentaine en décembre 2009).
techsansviolence.net (2007-2009)
Parti sur un 10 cennes en novembre 2007 à l'initiative d'APC avec Alternatives, Cybersolidaires, Communautique et le CDÉACF, ce site propose des moyens de mettre les TIC au service de la lutte contre la violence faite aux filles et aux femmes et parle d'enjeux sociaux reliés aux TIC. Nous aurions souhaité que des groupes de femmes se l'approprient, mais sans moyens pour organiser des ateliers d'appropriation des outils dont il fait la promotion, nous avons décidé de passer à autre chose.
> Voir le diaporama d'une présentation de techsansviolence.net faite en janvier 2009 au forum ouvert de Communautique.
Une idée en tête depuis 2001
European and North American WomenAction + Les Pénélopes + Famafrique + Womenspace + NetFemmes + Studio XX + Cybersolidaires + l'ORÉGAND + les Canadiennes-françaises hors Québec.... auraient pu former un réseau susceptible d'intéresser les femmes francophones d'un peu partout dans le monde à toutes sortes d'enjeux et d'événements. Mais essayez de financer ça pour voir. N'empêche que je ne peux pas m'empêcher de sauter sur les occasions de développer un réseau de sites qui s'alimentent les uns les autres. Parce que lorsqu'on manque de ressources pour développer l'exploitation des TIC par les groupes communautaires, c'est une option sensée.
Et un réseau qui se développe
Depuis que Cybersolidaires n'est plus à la merci d'un C.A., le réseau se développe sans gaspillage d'énergies, de ressources, ni cartes d'affaires. Cybersolidaires et l'ORÉGAND en forment le noyau fondateur, de même que Stella, ce que je n'annonce pas ouvertement afin de ne pas faire peur au monde pour rien. Par contre, il m'aura fallu plusieurs années pour me faire à l'idée que je fais tout ça essentiellement seule entre mes quatre murs. N'empêche que ça marche. Petit à petit, j'embarque un groupe après l'autre et ainsi de suite, au lieu de développer des sites chacun dans son coin.
En janvier 2009, font partie du réseau...
C'est à son propre rythme que chacun de ces organismes s'approprie l'animation de son site. Ça prend le temps et le soutien que ça prend. J'essaie de les amener à avoir besoin de leur propre site. Si on n'utilise pas soi-même son propre site web, pourquoi d'autres le trouveraient-ils utile?
Il faut souvent plus que du soutien technique
En général, ça ne donne pas grand chose de développer un site pour un groupe communautaire sans lui donner par la suite du soutien tant technique qu'au niveau de l'animation. Depuis 1999, je fais une veille de ce qui se publie sur internet par le mouvement des femmes et les milieux progressistes. Je maintiens aussi Cybersolidaires, l'ORÉGAND, les sites de L'R des centres de femmes du Québec et de Stella, entre autres. Il ne me faut donc que peu de temps pour animer une floppée d'autres sites, en attendant que les organismes se les approprient totalement.
La diffusion sans douleur (2002) :
Mobilisation et échanges dans la toile (2008) :
De toupie techno à animatrice d'un réseau
En 1999, le titre qui approchait le plus du travail que je faisais était "toupie techno". Il m'en aura fallu du temps pour comprendre que je suis une édimestre (plutôt qu'une webmestre) et l'animatrice d'un réseau. Ce qu'une seule personne, toupie ou pas mais passionnée peut faire en exploitant les TIC, c'est quand même extra non? Et si nous étions plusieurs, qu'est-ce que ça donnerait?
En attendant, le réseau cybersolidaire va continuer de se développer petit à petit, les internautes vont contribuer de plus en plus aux contenus, des campagnes internet seront de plus en plus souvent animées par les groupes eux-mêmes, quelques autres vont tenter de couvrir en direct les événements importants qu'ils organisent... Et peut-être bien que Cybersolidaires aura une deuxième travailleuse un jour qui sait.
Restera encore à intéresser le mouvement des femmes et le milieu communautaire aux enjeux sociaux des TIC. Malgré déjà une bonne dizaine d'années de retard, ça risque d'en prendre encore beaucoup trop, mais bon. Quand des organisations verront que leur site web ne s'affiche plus aussi vite que d'habitude, elles vont enfin commencer à se sentir concernées par la neutralité d'internet et ainsi de suite.
Pour en savoir plus
Culotté, le féminisme électronique!, Conseil du statut de la femme, 04.11.2009
Au sujet d'unplannumeriquepourlequebec.com, Communautique, 01.02.2009
Changing the World, One Blog at a Time, Rebekah Spicuglia, 29.01.2009
Amy Goodman donne une audience nationale à la majorité réduite au silence, Le Monde, 03.11.2008
Violence faite aux femmes et technologies, Parole citoyenne, 12.2008
Le féminisme virtuel pour changer le monde cybersolidairement, Nicole Nepton, 21.08.2005
Femmes branchées, Marie-Julie Gagnon, La Presse, 10.03.2003
Féministes cybersolidaires, Colette Lelièvre et Nicole Nepton, 2002 à 2005
Plateforme québécoise de l'Internet citoyen, Communautique, 2002
Femmes et médias pour le changement social, WomenAction, 2001
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