Les 3 et 4 mai 2006, une terrible répression s’est abattue sur les paysan-nes de San Salvador Atenco, un petit village de 300 habitant-es situé à 30 km au nord-est de la ville de Mexico, dans l’État de Mexico. En 2002, ces paysan-nes s’étaient opposés victorieusement à la construction d’un aéroport international sur leurs terres, tout en perdant un compagnon assassiné par la police. C'est de cette mobilisation que naît le Front communal en défense de la terre (Frente de Pueblos en Defensa de la Tierra) qui rejoindra l'Autre Campagne zapatiste. Le 3 mai 2006, les autorités de l’État de Mexico et de l’État fédéral prenaient pour prétexte l’installation de vendeurs de fleurs ambulants d'Atenco à Texcoco, un marché voisin, pour faire un exemple sanglant de leur autorité.
La répression policière qui a suivi a été extrêmement violente : un adolescent de 14 ans a été tué à bout portant par la police, un étudiant de 20 ans est décédé un mois plus tard des suites d'une blessure à la tête par un projectile de gaz lacrymogène, de nombreuses personnes ont été sauvagement battues, des dizaines de femmes ont été violées dans les fourgons de la police et les commissariats, et les maisons d'Atenco ont été mises à sac. Par la suite, 217 des personnes arrêtées faisaient une grève de la faim. Certaines sont toujours en prison et pour longtemps : le leader du Front communal en défense de la terre et deux autres compañeros ont été condamnés à plus de 67 ans de prison, tandis que les policiers qui ont perpétré les abus, viols et tortures n'ont pas été sanctionnés.
Cette attaque est survenue pendant l’Autre campagne des zapatistes, à laquelle le Frente de Pueblos en Defensa de la Tierra, qui regroupe des paysan-nes d'Atenco, sont affiliés. Le sous-commandant insurgé Marcos, le plus célèbre des dirigeants de l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN), avait quitté les montagnes du Chiapas le 1er janvier 2006. Rebaptisé «sous-délégué Zéro», il entreprenait alors un périple qui devait le mener, en compagnie d’une délégation indigène, dans les 31 États du Mexique, jusqu’à la veille de l’élection présidentielle de juillet 2006. «Nous avons défini une ligne très claire : une ligne de gauche et anticapitaliste. Pas du centre, pas de droite modérée, pas de gauche rationnelle et institutionnelle. Mais de gauche, là où se situe le cœur, là où est l’avenir», expliquait-il alors au Monde diplomatique.
La brutale répression d’Atenco a eu lieu après le passage du «sous-délégué Zéro» quelques jours auparavant. Elle avait pour but de faire peur à la population et aux mouvements sociaux. Cette politique de terreur combinée à la propagande martelée par la télévision est une stratégie de criminalisation des luttes sociales. Ce qui s’est passé à Atenco était un précédent qui, s’il demeure impuni, ouvre la voie à de futures répressions du même type et à l’avènement d’un système autoritaire.
Atenco est devenu le symbole du retour de l’État autoritaire mexicain, de la promesse rompue du passage à la «démocratie», des perquisitions, maison par maison, de la détention illégale et brutale des dissident-es, ainsi que de leur emprisonnement pour des crimes qu’ils n’ont pas commis. Après trois semaines de «netwar», Atenco signifie - dans les cœurs et les esprits de l’opinion publique - le méga-viol par des policiers - de femmes et d'au moins un homme - et signifie aussi, métaphoriquement, le viol des habitant-es d’un pays, de leur dignité et de leur innocence. (Source)
Après une mise en contexte, le documentaire Briser le silence analyse les événements qui se sont déroulés à Atenco durant les premiers jours de mai 2006, et dénonce les graves violations des droits humains commises par les forces de police de l’État de Mexico et fédérales contre la population. Il démonte aussi la façon d’opérer des médias de communication de masse, responsables de la création d’un climat de peur et du silence autour des événements de San Salvador Atenco.
Le conflit n'est pas fini, les attaques de la police envers les paysan-nes et les pauvres se poursuivant dans différentes villes du pays, de même que les assassinats, arrestations, tabassages et viols. Le mouvement des sans-terre, l'Autre campagne et les zapatistes du Chiapas sont de plus en plus populaires auprès de la population. De son coté, le gouvernement fait tout pour "vendre" le pays aux multinationales.
Sources : AMERIKENLUTTE, 19.08.2008, Comité de solidarité avec les peuples du Chiapas en lutte, 14.06.2006
Pages reliées :
Sarkozy prendra-t-il aussi la défense des prisonniers d'Atenco?, Jerôme Baschet, 08.03.2009
Video Report From the Occupied Town of Xoxocotla, Morelos: Eyewitnesses Talk of Indiscriminate Attacks From Helicopters Using Weaponry Supplied by the US, Gregory Berger, 14.10.2008
Forty Years After The Tlatelolco Massacre, The Mexican Army Attacks Civilians In The Indigenous Town of Xoxocotla, Gregory Berger, 11.10.2008
La police de l’Etat du Chiapas exécute sommairement trois paysans mayas devant un enfant, Kristin Bricker, 09.10.2008
Plan Mexico: Calderón's Endless War, Kristin Bricker, 01.10.2008
Marcos : «Il n’y a jamais eu autant de destructions et de sottise de la part des gouvernements», Hermann Bellinghausen, 18.10.2007
Des dizaines de communes zapatistes courent le risque d’être expulsés de leurs territoires, Centre d’analyse politique et d’investigations sociales et économiques, 02.10.2007
Marcos : «Le Mexique va se transformer en cocotte-minute… Et il va exploser», The Guardian, 13.05.2007
Sur Atenco :
À deux ans de la bataille d'Atenco, La Jornada, 04.05.2008
Les commandants du EZLN se joindront à la lutte pour la libération des prisonniers d’Atenco, La Jornada, 25.07.2006
Comment le réseau de communication horizontal zapatiste a démasqué la répression et la manipulation de l’État mexicain et des médias commerciaux, Al Giordano, 26.05.2006
Femmes sans peur, Marcos, 22.05.2006
Alexis Benhumea se débat entre la vie et la mort, Narco News, 12.05.2006
San Salvador Atenco : Déclaration du Réseau mexicain de constructeurs de paix, Mexico, 11.05.2006
Halte à la répression! Liberté pour les prisonniers! Châtiment pour les responsables! Les académiciens disent que rien ne justifie la répression sanglante d'Atenco et Texcoco, 07.05.2006
Atenco : Une attaque violente contre les adhérents de La Otra Campaña, Quetzal Belmont, 04.05.2006
Marcos et les campesinos de Atenco appellent à la mobilisation civile et pacifique, Juan Trujillo et Quetzal Belmont, 04.05.2006
Sur les événements des 2 et 3 mai à Atenco, Front communal pour la défense de la terre (Frente de Pueblos en Defensa de la Tierra, 04.05.2006
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