Le gouvernement fédéral vient de rendre public les résultats finaux de sa pseudo consultation publique sur la prostitution. Évidemment, cette consultation n’a rien de scientifique puisqu’elle compile les réponses des individus et organisations qui ont pris le temps de répondre, et comportait uniquement des questions orientées. Le gouvernement a admis lui-même qu’une même personne ou organisation pouvait répondre plusieurs fois! Pire, il refuse de rendre public les résultats d’un sondage rigoureux qui contredirait sa consultation fantoche.
Ainsi, les associations anti-choix qui prônent la prohibition et l’abolition de toutes formes de prostitution, bien plus nombreuses et beaucoup mieux subventionnées que les autres, semblent évidemment majoritaires. Le rapport nous indique aussi que les répondant-es apparaissent en majorité contre la pénalisation de l’achat de services sexuels mais pour la pénalisation de leur vente, mais sans la précision primordiale sur le contexte (coercition ou non).
Cette farce a été montée de toutes pièces pour servir de caution à l’aveuglement idéologique du gouvernement et des organisations anti-choix, qui mentent sur la traite des êtres humains pour justifier la pénalisation des clients, en faisant l’amalgame entre toutes les situations de prostitution et la traite des êtres humains. Ils ne veulent qu’une chose : interdire toujours plus au nom de leur paternalisme moral, contre le libre arbitre, le consentement et le choix des individus à disposer de leur corps comme ils l’entendent. Et comme la Cour suprême leur a dit que leur idéologie mettait en danger les femmes et les hommes qui exercent le travail du sexe, ils souhaitent maintenant criminaliser leur client-es comme en Suède.
Pourtant, l’approche suédoise de pénalisation des clients est inefficace, voire contre-productive. En effet, selon la police et les organisations de travailleuses du sexe suédoises, la prostitution s’est simplement déplacée de la rue vers d’autres lieux encore plus clandestins. Celles qui étaient exploitées par des réseaux de traite le sont maintenant sur des bateaux au large de la Suède. Leur accès à la prévention et aux soins de santé a presque disparu, le nombre de salons de massage a triplé, les violences et la stigmatisation ont augmentées, alors que le démantèlement des réseaux de traite a diminué :
Statistics – National Crime Prevention Council, in « Trafficking in human beings for sexual and other purposes », 2012
Cette approche est dénoncée par l’écrasante majorité des associations de terrain dans le monde, et de très sérieuses organisations et agences internationales telles que le Groupe du VIH/sida du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD), l’ONU-sida, l’ONU-Femmes, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Association internationale des plannings familiaux, Amnistie internationale, et récemment la Commission nationale consultative des droits de l’homme (France). L’Alliance féministe solidaire pour les droits des travailleuses(rs) du sexe réclame une décriminalisation totale du travail du sexe entre adultes consentants, seule solution efficace pour que nos impôts financent véritablement la lutte à l’exploitation sexuelle, tout en garantissant aux travailleuses(rs) du sexe d’exercer en santé, en sécurité, dans la dignité, bref, dans le respect de leurs droits fondamentaux que leur confère notre Constitution.
Pages reliées :
Les travailleuses du sexe boudées par Ottawa, Hélène Buzzetti, 04.06.2014
Canada's Having a Prostitution Debate, Just Not an Informed One, Irwin Cotler, 03.06.2014
Ottawa dit vouloir s'inspirer de l'opinion de Canadiens ayant pris part à une consultation sur la prostitution, Hélène Buzzetti, 03.06.2014
Sex workers decry government consultation on prostitution, Maggie's Toronto Sex Workers Action Project, 02.06.2014
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